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Surveiller et punir  

 

Trente ans de carrière dans la publicité ont appris à Michel Devaux à fabriquer des images accrocheuses dans lesquelles le public peut s’identifier. Un mot ou un dessin suffit à nous faire sourire, souvent, réfléchir, parfois.
Épris de création, il a d’abord été influencé par les réalistes et les structuralistes avant de se fixer comme cap de ne donner naissance qu’à des « œuvres de lui inconnues », à une terre inexplorée. Ainsi, pendant le long cheminement que constitue le façonnage d’un langage propre au peintre, il a toujours cherché à mêler, dans ses tableaux, l’humour à une pensée profonde, éveiller chez les gens les mêmes résonances et leur proposer ses « signes » particuliers. Quelles que soient les techniques utilisées, qu’il utilise la symétrie, l’architecture ou le symbolisme, il n’a eu de cesse de tendre vers une certaine « objectivité » pour à la fois refléter ce que sont les groupes sociaux et ce qu’ils produisent d’humanité. Jusqu’au jour où la « pomme de terre » s’est immiscée subrepticement dans son univers artistique…
Voici l’histoire : de retour chez lui après un long périple, il retrouve un sac de pommes de terre qui dormait dans un placard de la cuisine. Sur chacune d’entre elles avaient poussé de longs bras blancs qui semblaient le supplier de les libérer de leur prison. Ces tubercules, d’ordinaire muets, s’étaient animés, dans un style quelque peu emphatique. Depuis, telles des muses, les pommes de terre sont devenues le sujet central de ses œuvres.
Leur interprétation n’en donne pas l’image stéréotypée qu’en ont la plupart des gens : silencieuse, ordinaire, banale. A ses yeux, la pomme de terre possède tous les attributs de la nature humaine, avec ses corollaires émotionnels : aussi ses compositions peuvent-elles refléter toute sorte de concepts philosophiques sur l’existence et ses nombreuses vicissitudes. Ses tableaux peuvent aussi bien représenter des inconnus pris dans leur quotidien, que lui-même ou des personnes d’exception. Et de fait, pour ces dernières, l’évolution de la place de la pomme de terre dans la culture française a un côté théâtral. Antoine Augustin Parmentier (1737-1813) a publié en son temps « Analyse chimique de la pomme de terre », livre qui a retenu l’attention de Voltaire et de Louis XVI qui n’a pas manqué l’occasion d’en faire lui-même la promotion. La pomme de terre est alors devenue un produit de première nécessité, indispensable à l’homme de la rue mais aussi aux personnalités de la cour. Cela renvoie partiellement à la philosophie créatrice de Michel Devaux : par exemple, certaines personnes peuvent paraître fondamentalement semblables mais les conditions extérieures font qu’elles empruntent des cheminements différents.
Parfois, sous son vernis humoristique, une peinture peut, en réalité, cacher une critique sociale, les patates étant assimilées à des pièces d’échiquier qui suivent le chemin tracé par leurs semblables ou vivent dans le carcan imposé par la réalité. (Plus profondément, la mise en scène de la pomme de terre symbolise la vie de l’auteur à différents stades de ses souvenirs et de ses histoires. Quelquefois, l’auteur se cache délibérément derrière le « masque » de la pomme de terre pour observer le monde qui l’environne et réagir.)
En cherchant matière et inspiration dans la pomme de terre, Michel Devaux a affiné son sens de l’observation de la nature humaine et de ce qui l’entoure, comme en témoigne cette anecdote : un jour, un petit rai de lumière provenant de l’appartement d’en face a atterri dans son atelier et attiré son regard, lui qui ne levait jamais le nez de son travail. Il a alors aperçu une vieille dame, un peu pâle, qui se tenait silencieusement dans son monde et le regardait. Ils ont parlé par la fenêtre… et depuis, Michel dessine chaque jour un croquis qu’il colle à sa fenêtre en guise d’offrande pour sa voisine, Marie. De leurs séances d’observation mutuelle est née entre eux une sorte de complicité, de chaleur. Dès qu’elle voit affichée son esquisse, elle allume sa lampe. Grâce à ce témoignage d’attention, Marie a retrouvé un certain appétit de vivre. Quant aux centaines de « dessins à Marie », série toujours en cours de production, elles servent au peintre de moteur dans sa pratique artistique quotidienne.
Dans le « Royaume des patates » dont il est le fondateur, on retrouve le quotidien des gens de la rue, leur vie sentimentale, une satire acerbe de l’actualité ainsi que l’amertume et la douceur des relations humaines. La composition de ses tableaux, vivante et subtile, exprime l’intérêt qu’il porte aux gens et une réflexion sur la nature humaine. Avec ses crayons de couleur pour épices, il marie les différents degrés de chaleur avec les innombrables nuances gustatives.

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